Chevauchant l’équateur, l’archipel indonésien se situe entre l’Asie du Sud-Est et l’Australie.
Il recouvre une superficie de 9 millions de km2 dont 1 million 900.000 de terres. On y dénombre 13.667 îles, dont environ 6000 sont habitées. À l’Ouest, Sumatra, Java et Bornéo forment avec les Célèbes et la Nouvelle Guinée, les cinq grandes îles de l’archipel. L’élément caractéristique du relief est évidemment constitué par les 411 volcans disséminés sur l’ensemble du territoire, avec une forte concentration cependant sur les îles de Sumatra, Java et Bali. Un quart d’entre eux sont encore actifs. Les ressources naturelles de l’Indonésie sont remarquables et le sol très fertile grâce à son caractère volcanique. En 1987, la population de l’archipel est estimée à 200 millions d’habitants à majorité musulmans. Outre la langue nationale basée sur le malais, chaque peuplade parle son dialecte. On peut en distinguer une vingtaine, dont le batak et le minangkabau à Sumatra, le javanais à Java et le balinais à Bali. Marqués par les différents courants de pensée à travers les siècles, les habitants de l’archipel vivent dans un subtil équilibre entre le passé et la modernité, le profane et le sacré.
Sumatra
C’est la septième plus grande île du monde : 1750 km de long et 435 km dans sa plus grande largeur. Les terres de l’île sont très fertiles, notamment à cause de l’activité volcanique importante de la région. Seules deux provinces sur huit présentent un intérêt : La province du Nord, chef lieu Medan, avec le lac Toba et le pays batak, la province de l’Ouest, chef lieu Padang, avec le pays Minangkabau, les lacs Maninjo et Singkarak.
Le pays batak
Le pays batak
On ne sait pas très bien quand les tribus bataks se sont introduites à Sumatra. Leur domaine s’étend au Nord. Les Karo bataks, occupent la province d’Aceh et les Toba bataks sont regroupés dans la région du lac Toba.
L’une des deux routes menant au lac Toba passe au pied des volcans Sibayak et Sinabung. Elle traverse Brastaggi, 1400 m d’altitude, et Lingga, certainement un des sites parmi les plus impressionnants de l’architecture traditionnelle Karo batak. À côté de maisons plus modernes et confortables, on trouve encore des demeures coutumières au toit en fibre de palme. Disposées sans ordre précis apparent, construites sans clou ni fer, elles abritent chacune plusieurs familles qui jouissent d’un espace bien déterminé. À Pematang Purba, on peut admirer un ancien palais des rois Simalunguns, vieux de plus de 200 ans, et entièrement restauré. Les derniers de ces rois y furent enterrés chrétiennement.
Le lac Toba
Avec 90 km de long, le lac Toba est le plus grand lac d’origine volcanique du monde, dont une grande partie est occupée par l’île de Samosir. Le lac procure le poisson et fournit l’eau nécessaire à la vie. Mesurant elle-même 65 km de long sur 25 km de large, l’île de Samosir est en fait une presqu’île, car un canal a été creusé à travers l’isthme qui la relie à la rive du lac. Samosir est le centre de la culture batak et propose plusieurs villages d’intérêt historique. Parmi ceux-ci, Simanindo qui a le mieux conservé les différents aspects de la culture batak et en particulier de ses danses traditionnelles. Autre village côtier, Ambarita, où se mêlent, ici aussi, habitations modernes et maisons traditionnelles. Principale curiosité historique, la maison du roi et de sa famille, et sa cour de justice en pierre. On y voit le siège du roi, ceux de ses conseillers, la pierre où était attaché le condamné, le billot de pierre où on le décapitait, le découpait en morceaux, avant que conseillers et chef ne le dégustent…
Le pays minangkabau
Le pays minangkabau
On connaît surtout ce pays pour sa population au système social particulier et dont les maisons sont parmi les plus pittoresques des îles de la Sonde. Ici, la maison n’est pas l’oeuvre d’un individu mais de la collectivité. Sa grandeur et son caractère sont fonction du rang de la famille propriétaire. Elle est construite sur pilotis, entièrement décorée de motifs non figuratifs, et surmontée d’un toit dont la forme rappelle celle des cornes d’un buffle. Le nom de Minangkabau signifie «vainqueur de buffle», qui correspond à la légende de l’histoire de ce peuple. Bukkitinggi, au pied du volcan Mérapi, est une ville grouillante au coeur du pays minang. Son marché est un des plus curieux d’Indonésie.
La région des lacs
À 35 km de Bukkitinggi, on découvre le lac Maninjo, dans un paysage d’une beauté saisissante. Le pays minangkabau reste enraciné dans ses traditions musulmanes. Les maisons sont regroupées autour de la mosquée aux constructions surmontées de coupoles en tôle peinte ou de toitures superposées en nombre impair. Cependant, les habitants ont préservé les moeurs et les coutumes de leurs ancêtres. Ils vivent à la fois sous le régime de la polygamie et sous celui du matriarcat. À Batusangkar, ancienne résidence des rois minangkabau on trouve encore une «rumah» avec un «tabuah», immense tambour servant à rassembler les gens, l’ancien palais restauré du roi Pagaruyung, quelques maisons traditionnelles intactes ou de magnifiques demeures anciennes. Le lac Singkarak est un endroit paisible, surplombé comme son voisin le Maninjo par des sommets et des cratères.
Sulit Air
Du lac Singkarak, on s’engage sur une piste cahotante qui grimpe à flanc de montagne et rejoint, au fond d’une étroite vallée, le village de Sulit Air, un des plus connus d’Indonésie. Celui-ci a conservé nombre de maisons traditionnelles. La grande maison, ou rumah adat, est construite sur pilotis. Elle peut avoir 70 m de long et abriter une centaine de personnes. Un long couloir sert de salle commune et donne sur les chambres. Actuellement, dans les grandes maisons, les quartiers résidentiels des femmes se trouvent au fond, les hommes dorment dans la partie centrale.
Java
Java est située au centre de l’archipel indonésien, entre Sumatra au Nord-Ouest et Bali à l’Est.
C’est l’île aux 120 volcans et le berceau de l’Indonésie. Les premiers habitants de Java sont arrivés de Chine du Sud il y a 5000 ans. Djakarta, capitale de Java et de l’Indonésie, est la porte d’entrée de l’archipel pour tous les étrangers. La ville ne présente qu’un intérêt limité, juxtaposant monuments édifiés à la gloire du régime et bidonvilles grouillant dont les habitants survivent pour la plupart grâce à des expédients. On retiendra cependant le vieux port de Sunda Kelapa, où accostent d’énormes prahos à la proue très relevée assurant la liaison avec les différentes îles.
Yogyakarta
Yogyakarta, géographiquement au coeur de Java, est généralement considérée comme le berceau de la civilisation javanaise. Actuellement, la ville constitue encore le centre historique, culturel, religieux, artistique et archéologique le plus important de l’île. Yogyakarta s’étend le long d’une grande artère commerçante rectiligne, Jalan Malioboro, qui constitue réellement le coeur de la cité. Une des attractions de la ville est un spectacle de Wayang Kulit, ou théâtre d’ombres. Il avait initialement pour but de mettre en contact le monde des vivants avec celui des disparus. Les figurines de peau finement ajourées sont la représentation des ancêtres qu’on invite à venir animer leur propre image. Ces figurines sont manipulées par un dalang ou animateur principal, lequel se sert aussi bien de ses mains que de ses pieds. Le récitant est accompagné par un orchestre chargé de l’illustration musicale du récit.
Le candi Loro Jonggrang et le temple de Borobudur
À proximité de Yogyakarta, deux ensembles font partie du patrimoine mondial de l’humanité. À l’Est, le candi Loro Jonggrang, construit au milieu du IXe siècle, est le joyau en cours de restauration de l’ensemble hindouiste de Prambanan, qui se compose d’une série de candis, sortes de sépultures royales, éparpillées dans un rayon de 4 km. Les uns sont restaurés, les autres encore en ruines.
De son côté, au nord-ouest de Yogyakarta, se dresse le temple bouddhique de Borobudur. Ce chef d’oeuvre accompli de l’art indo-javanais fut édifié à la fin du VIIIe siècle de notre ère, quand la civilisation de l’Inde rayonnait sur l’Asie sud-orientale. Pendant 150 ans, Borobudur fut un centre de pèlerinage, jusqu’à la chute de l’empire de Mataram, vers 930, où il tomba dans l’oubli, l’islam supplantant lentement le bouddhisme. À la fin du XVIIIe siècle, il ne subsistait de Borobudur que quelques ruines émergeant des lianes. À partir de 1973, l’UNESCO a entrepris la restauration du temple, opération titanesque aujourd’hui achevée, nécessitant la démolition et la reconstruction de deux millions de pierres simplement accolées et ajustées. Ce monument de 140 m de base et 52 m de haut est un mandala, symbole du monde, combinant la symbolique du carré, la Terre, et du cercle, le Paradis. Les archéologues le considèrent comme le plus vaste, le plus ancien et le plus beau de l’hémisphère austral. Les terrasses sont surmontées par le grand stupa de la Béatitude absolue, terme et but de l’ascension. Ce stupa domine les terrasses circulaires supportant soixante-douze petits sanctuaires en forme de cloche, dont les parois ajourées laissent apercevoir à l’intérieur la silhouette de bouddhas méritants. Tout au long des galeries, des bas-reliefs retracent la vie de Bouddha ; et le chemin qui mène au sommet du sanctuaire symbolise la quête de l’Illumination. Le pèlerin qui entreprend le voyage passe du plan le plus bas de l’existence, représenté par les bas-reliefs de la base qui décrivent les tourments charnels de l’être, au niveau le plus élevé de la perfection spirituelle, suggérée par les constructions symboliques du sommet.
Le plateau de Dieng
La route qui mène de Yogyakarta au plateau de Dieng traverse les riches terres propices à la riziculture et aux cultures maraichères, puis serpente entre les volcans Sumbing, 3371 m, et Sundoro, 3135 m. Après une longue grimpée, la route débouche sur le plateau de Dieng, à 2160 m d’altitude. C’est une étendue volcanique longue d’environ 2 km où sont disséminés huit temples pour honorer Shiva, les plus vieux que l’on trouve à Java puisqu’ils sont les vestiges d’une cité peuplée de prêtres et de pèlerins au VIIIe siècle. Ces sanctuaires de petite taille sont très sobres quant à leur décoration, des statuettes principalement, installées dans des niches formées par décrochement. L’architecture est d’une grande simplicité, ce qui ajoute au mystère se dégageant du lieu.
Bali
Bali est la plus célèbre des petites îles de la Sonde. 3 millions d’habitants y vivent sur 5560 km2.
Isolés pendant des siècles, les Balinais considéraient l’orgueilleux volcan Gunung Agung comme le « nombril du monde ». La religion est partout. Chaque jour les dieux reçoivent des offrandes et chaque jour a son dieu. Bali est un paradis pour les arts, la sculpture et l’architecture, les rites et la fête.
La fête, tradition balinaise
Tout le charme de Bali tient à ses traditions festives. La vie balinaise est réglée par un calendrier à la fois religieux et superstitieux où la lune joue un rôle principal. L’année balinaise a 210 jours selon le calendrier « Pawukon ». Certains sont propices, d’autres néfastes. Mais beaucoup sont des occasions de fêtes. À vrai dire, la vie des Balinais est essentiellement orientée vers la fête, le travail étant ce qui permet de la financer.
L’orchestre gamelan accompagne danses et fêtes
À Bali, une célébration religieuse, théâtrale ou sociale est toujours accompagnée de musique par l’intermédiaire d’un « gamelan ». Le gamelan est un orchestre à percussion aux sonorités moelleuses et aquatiques. Il peut comprendre jusqu’à 70 instruments, timbales en cuivre, gongs et métallophones en majorité, bien qu’il existe des gamelans uniquement constitués d’instruments de bambou et de bois, et réunir 30 exécutants ainsi que des chanteurs. Les compositions polyphoniques sont apprises par coeur. La danse « Barong » est traditionnelle de Bali et est bien sûr accompagnée par un orchestre gamelan. Le Barong, animal mythique ressemblant à un chien et à un lion, protège contre les entreprises de la sorcière Rangda. Hormis le fait que le Barong représente le bien, il est également considéré comme le roi des esprits, le protecteur des villages de l’île, et le seigneur de la forêt. Dans un spectacle de danse du Barong, répartie en 7 actes, le prélude n’a rien à voir avec la légende originale. En effet, le Barong fait quelques échanges comiques avec un singe. Ensuite apparaissent des danseuses de « legong » (danse traditionnelle balinaise), habillées de vêtements en soie avec des décorations dorées. Ce n’est qu’après la prestation des danseuses que la narration en musique de l’histoire commence.
L’art balinais
Les mots « art » et « culture » n’existent pas en balinais ; sans doute parce que toutes les activités sont artistiques. En peinture, les scènes de la vie quotidienne représentée foisonnent de couleurs vives. En sculpture, l’absence d’objets de culte dans les temples limite la statuaire à la sculpture sur bois. Mais c’est principalement à travers la sculpture sur pierre et l’architecture que l’on découvre l’art balinais, tant une multitude de temples, bains publics, palais, tours ou portails s’offrent à notre regard à profusion. Chaque « desa » (village), se doit d’avoir trois temples : Le Pura Desa pour les cérémonies officielles, le Pura Puseh pour honorer les ancêtres, et le Pura Dalem pour commémorer les morts et les âmes. La plupart du temps, les temples sont vides. Ils ne revêtent un air de fête que pendant les jours saints, lorsque les divinités et les esprits des ancêtres descendent des cieux pour visiter les fidèles. À cette occasion, chacun arrive en grande tenue, offrant aux divinités de la nourriture, de la musique, des prières et les meilleurs divertissements pour les amuser durant leur séjour sur terre.
Le temple balinais est séparé du monde profane par un haut mur de briques délimitant la zone sacrée qui accueille les dieux descendant du ciel. Le temple est toujours orienté aux quatre points cardinaux. Les sièges des divinités se trouvent à l’extrémité la plus proche des montagnes, alors que l’entrée fait face à l’océan. Au-dessus de l’entrée, se trouve Kala Matara, monstre grimaçant qui barre le passage aux mauvais esprits. Chaque temple possède ses propres personnalités, géants, démons, sorcières, serpents et oiseaux magiques. Ce sont les impressionnants portraits de personnages surnaturels sous la forme de super balinais témoins de l’art baroque de l’île.
L’art de la danse
L’art de la danse, à Bali comme dans toute l’Asie, est un art de concentration. Sur l’espace qui lui est mesuré et où il ne se déplace que de quelques pas, le danseur s’exprime par des attitudes qu’il impose à son corps et surtout par les variations savantes de ses poignets et ses doigts, qui sont autant de signes qui racontent une action, ou évoquent la gamme des sentiments humains. Le danseur ne se permet jamais d’expressions personnelles. Il n’est que l’interprète vivant de la mélodie et du rythme, il est possédé par la musique.
Le « Kecak », ou danse des singes, trouve son origine dans un très ancien rituel au cours duquel les danseuses, en état de transes, acquièrent le don de communiquer avec les dieux ancestraux et de transmettre au peuple leurs voeux et messages. Dans la danse actuelle, une centaine d’hommes assis en cercles concentriques, torse nu et fleur rouge à l’oreille, scandent de plus en plus fort un cri rituel, «Kchak ! Kchak ! Kchak ! », balançant leur corps en cadence et leurs bras tendus. Ils évoquent l’épisode du Ramayana où le roi des singes entraîne son armée à la bataille.
Le temple de Besakih, au pied du Gunung Agung
Au pied du Gunung Agung, volcan sacré, montagne-mère et plus haut sommet de l’île avec 3140 m d’altitude, se trouve le temple de Besakih, construit au Xe siècle avant l’arrivée de l’hindouisme. C’est le plus grand et le plus vénéré de Bali. L’ensemble contient trois sanctuaires distincts associés à la trinité hindoue. À l’entrée, un magnifique escalier est gardé par des « rakasas » ; d’un côté les esprits du Mal, de l’autre les esprits du Bien. Les temples de style pagode possèdent un certain nombre de « merus » en chaume, toits successifs, dont le nombre varie en fonction des castes mais reste toujours impair et limité à onze. Ainsi une pagode à un seul meru est le lieu où vient prier la classe la plus basse, alors que les pagodes à onze merus accueillent les familles princières.
Les rizières de Bali
Sur la route de Besakih, de part et d’autre de Selat, on découvre les plus belles rizières de Bali qui s’étendent sur des kilomètres car l’eau ici est abondante. Les rizières sont cultivées en terrasses aux courbes subtiles suivant le relief, et sont un enchantement pour les yeux. Le voyageur est saisi par cette symphonie de verts, dissociés en tapis successifs par des étages d’eau miroitante, contenue par des digues de terre noire, de pierres et de coraux.