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Vivre à Aurère, Malheur et Bourses en 1985

Le plateau, espace de vie des îlets

Le plateau regroupant les îlets d’Aurère, Malheur et Bourses est situé à l’ouest du Cirque de Mafate. L’accès à ce plateau peut se faire par la Rivière des Galets ou bien par un sentier partant de Bord Martin sur la route du col des Boeufs. Le sentier descend jusqu’au fond de la ravine Bémale, puis remonte jusqu’au «Grand Rein». Celui-ci est une étroite bande de terre entre deux précipices dominant à droite la ravine Bémale et à gauche la Grande Ravine, qui ont entaillé profondément le paysage. Les sensations sont garanties ! Le sentier descend ensuite jusqu’à Ilet à Malheur, 828 m, que l’on atteint après la traversée d’une belle forêt de filaos.

Ce nom de Malheur a été attribué à l’îlet à la suite d’un affrontement particulièrement sanglant qui a eu lieu en 1829 entre les détachements commandés par Guichard et une quarantaine de noirs marrons.

Ilet à Malheur est une «plaque» tournante : On a le choix de traverser la ravine Bémale sur une passerelle et de grimper jusqu’à Aurère, 930 m, ou bien de descendre par un sentier vertigineux tout au fond de la Grande Ravine avant de remonter sur son autre flanc pentu et escarpé, et d’atteindre Ilet à Bourses, 850 m, aux cases dispersées sur un petit plateau.

Aurère, un îlet au charme désuet

Aurère connut par le passé une grande notoriété du fait de la fertilité de son sol. Ses vergers, plantés par Olive Lemarchand et fils de Nicolas qui découvrit l’îlet dans les années 1780, faisaient l’admiration de tous les visiteurs. La prospérité fluctua jusqu’à la fin du XIXe et le début du XXe siècle. Mais le cyclone de 1948 dévasta tout et ruina l’îlet. En 1956, date de la création de la coopérative, l’îlet n’était habité que par le forestier. Mais suite à la réalisation de la canalisation Augustave, le plateau fut irrigué et dix familles s’y installèrent.

Mais pas d’école et pas d’église. Une piscine pourtant ! C’est un ancien réservoir d’eau transformé et inauguré à Pâques 1982 par les gendarmes qui organisèrent pour la circonstance des baptèmes de plongée sous-marine. C’est à Malheur que les enfants iront à l’école où deux classes ont été aménagées. Et c’est là que se dérouleront les offices, dans une jolie petite chapelle édifiée pendant la période de prospérité des années 1930-1945. Pas de boutique. Les achats se font à la coopérative d’Aurère.

Adelaire THOMAS, doyen d’Ilet à Bourses

Monsieur Adelaire THOMAS habite à Ilet à Bourses depuis 1946. Il est une figure aussi représentative de l’îlet que l’est «Mémé» BÈGUE à La Nouvelle. Randonner dans le secteur et ne pas rencontrer «l’ancêtre» vous privera d’une conversation savoureuse qui vous régalerait de l’évocation de sa vie de tous les jours ou d’anecdotes sur son passé, au moyen de sa voix forte et chaude aux accents truculents. Adelaire THOMAS vit de ses cultures et de son élevage. Il possède également une bonne vingtaine de ruches, plus exactement des bombardes faites de troncs de bois sec qu’il a vidés et brûlés à l’intérieur. Celles-ci abritent des abeilles sauvages dont il a récupéré l’essaim dans la forêt d’Ilet à Bourses à l’aide d’une vouve à bichiques.

« Monsieur THOMAS, quand est-ce que vous avez planté ce maïs ?
– Maïs là, moin la plant’ ça su la fin février. Lu l’a pouss’ dan gros temps mois mars dernier. Jusqu’à l’heur’ mi vois lu y ça va à peu près. Si la plu y tient, tomb’ tomb’ un peu, pt’ête n’a gaign’ un z’épi…. Mais tout premier là l’a planté, le mauvais temps l’a mont’ dessus, l’a bat’ tout à ter’, tout maïs l’a pourri. Po donn’ z’animaux mi vois pas comment y fait. Pourri, pourri, pourri ! … … Un z’épi maïs, après lo temps, té ça rogarder, l’était comm’ ça, grosseur le bras, t’tait fine arriv’ grosseur la cuisse là, bourgeons partout ! Pas prend ‘ di tout, di tout ! Cette année l’a plant’ maïs, mais quoué y donn’ poules ? Là moin nana d’voir p’tête un cinquantain’ un soixantain’ volailles à terr’ là, mais mi vois pas comment y faut sogn’ ça ! Ah mi vois pas, mi vois pas !…»
Entretien avec Monsieur Adelaire THOMAS, Ilet à Bourses, mai 1985