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Vivre à La Nouvelle et à Marla en 1988

La Nouvelle en 1988,

l’impact de la modernité

Le touriste qui n’est pas venu à La Nouvelle depuis longtemps s’aperçoit que tout a bien changé. Le nombre de maisons a augmenté. Chacune d’entre elles est maintenant équipée de l’électricité solaire et d’une salle de bains. La tôle a remplacé la paille de vétyver.

Parallèlement, la coopérative se voit concurrencée par une épicerie nouvellement installée…

Les grands élèves ont une salle de classe toute neuve et le tourisme, bien sûr, est en pleine expansion. Une douzaine d’hélicoptères se pose actuellement chaque jour à La Nouvelle et il est bien difficile maintenant de faire une grasse matinée dans le calme…

Les 18,19 et 20 mars 1988, les habitants de La Nouvelle eurent l’occasion de se voir proposer le festival Art Mafate.

Le pari engagé par les organisateurs était ambitieux. Il s’agissait d’une part de faire connaître ou retrouver le cirque de Mafate à un maximum de personnes des Bas et les faire rencontrer les Mafatais, d’autre part présenter pour la première fois aux habitants du Cirque, un festival de qualité associant le théâtre, la danse et la musique. Près de 300 personnes profitèrent intensément de ces trois journées assurément réussies.

Le dépeuplement de Marla

Marla serait une déformation du mot malgache Marolahy qui signifie «beaucoup de gens». Autrefois, Marla était en effet l’îlet le plus peuplé du secteur et la tradition voulait que le visiteur, pour ne vexer personne, passât dans chaque case saluer le chef de famille. Aujourd’hui, cela serait chose facile à réaliser puisqu’il ne reste que 7 familles.

À l’aplomb du Grand Bénare, 2896 m, sur un gradin qui escalade la crête des Salazes, Marla est l’îlet le plus haut du cirque de Mafate avec une altitude de 1620 m. Bien que ce fut de Salazie que vinrent ses premiers habitants, Marla se tourna rapidement vers Cilaos avec lequel il communique par le col du Taïbit (autre mot malgache désignant les crottes de lapin). Bien plus important que La Nouvelle il y a une quarantaine d’années, Marla assurait une bonne partie du ravitaillement de Cilaos. Il est à signaler que le beurre de Marla avait grande réputation. Aujourd’hui, l’élevage de bovins sur le Kelval et la culture des lentilles et de pois restent les ressources principales de l’îlet.

Marla possède la plus vieille maison traditionnelle du Cirque, la maison Laclos, du nom de ses premiers propriétaires. Elle était habitée jusqu’en 1980, puis abandonnée du fait des énormes dégâts causés par le cyclone Hyacinthe à l’environnement.

Le premier bâtiment scolaire a été édifié en 1968. Il servait à la fois de classe et de cantine. L’ensemble actuel a été terminé en 1978. L’école de Marla, à caractère familial, ne compte qu’une section unique de huit élèves, âgés de 6 à 14 ans. Ils s’appellent tous HOAREAU. Quatre d’entre eux sont les enfants de la gérante de la cantine, les quatre autres sont ceux de l’aide-cantinière. Les deux mamans sont soeurs et ont épousé deux frères HOAREAU. Enfin, la surveillante de la cantine n’est autre que la grand-mère maternelle des enfants…

La vie quotidienne à Marla

La vie quotidienne est rythmée par les travaux de la famille sur l’exploitation, qui pratique une culture vivrière traditionnelle. Le petit élevage est présent partout mais limité aux besoins de la famille. La mise en valeur des terres qui conditionne le maintien des habitants sur leur îlet n’a été possible que grâce à un très gros effort d’irrigation fait par l’ONF. Aujourd’hui, l’eau descend de la retenue par des tuyaux. Mais auparavant, il n’était pas rare de voir l’eau amenée par des conduites faites de feuilles de chokas ou de demi-troncs de bambous jusqu’au champ.

À l’occasion des travaux agricoles, les hommes ont l’habitude de se regrouper dans un esprit d’efficacité et de solidarité. En raison de l’altitude de Marla, on privilégie les cultures de «grains» (maïs, haricots, pois), de lentilles et un peu de salade. Une partie de la récolte est gardée pour la semence ou la famille, et le reste est vendu, soit à La Nouvelle, soit à Cilaos. Les trous nécessaires au semis des pois ronds sont creusés à la «gratte», petit outil à la partie métallique large et recourbée servant à recouvrir les graines. Le Mafatais cultive principalement le haricot rouge ou blanc (le «grain»), associé au maïs, ainsi que différentes variétés de pois (exemple pois du Cap).

Autre culture, la lentille. À maturité, les plants desséchés sont amenés par brassées et déposés sur des bâches à même le sol. Les plants sont alors violemment frappés à l’aide d’un bâton pour séparer la paille du grain. Une fois battus, les plants de lentille sont de nouveau «fanés» dans le vent qui achève la séparation du grain, retombant, de la paille s’envolant.

Le miel de José Dugain

«Saison l’hiver, z’abeilles y travaillent pas trop.
La saison gros temps, pas beaucoup d’ miel parce que trop pluie. Et là z’abeilles commencent à bien travailler à c’t hère… … Ben des revenus po lo miel, disons y manqu’ un peu caisses, tout ça po moin mett’ d’autres d’dans… … Avant ça té mon papa té y occup’, mais quand en dernier l’a pu gagné, moin l’a remplacé… … Na cinq caisses. Y piqu’ ça y connaît pas tirer (rires). Y mêch’ mêm’. Faut mett’ gouni po boucane à li et pi ou tir’ zot gauff’ miel. Po gagn’ lo miel, y faut un bon tent’ propre, ou y tend’ nylon, y perce et pi y mett’ en litres.»
Entretien avec José DUGAIN, Marla 1988

L’arrivée à Marla des blocs sanitaires

En mars 1988, Marla fut équipé en blocs sanitaires.
«On avait constaté depuis 1976, la première année où j’ai travaillé dans Mafate, que la situation sanitaire des gens était assez médiocre par rapport à celle des populations du littoral. On avait un taux d’hospitalisation extrêmement élevé puisque sur une population moyenne de 650 habitants, il y avait environ 180 personnes qui étaient hospitalisées chaque année. Pratiquement une personne sur quatre transitait chaque année à l’hôpital ! Bien sûr avec un transport hélicoptère… En gros, chaque année, il y avait pour 3,5 millions F de frais d’hospitalisation (2 M € 2019) pour 650 habitants, ce qui est extrêmement élevé.

Ensuite il y avait des problèmes disons plus axés sur l’hygiène. On avait constaté qu’il y avait des maladies de peau relativement fréquentes parce que les gens n’avaient pas d’eau pour se laver. Pour avoir une hygiène correcte, il faut se laver. Et cela a été en fait le début de l’opération des blocs sanitaires. Je suis passé dans chaque famille en août-septembre 1986 pour leur proposer en premier un bloc sanitaire avec une douche, un lavabo et un WC. Il y a eu deux modèles de blocs sanitaires qui ont été mis à disposition des gens… Le but était aussi de faire travailler les entreprises locales. Les blocs sanitaires sont revenus en moyenne à 50000 F (13400 € 2019), comprenant bien sûr le transport des matériels, fosse septique et bloc, par hélicoptère…»
Entretien avec le docteur ISAUTIER, «Monsieur Mafate», 1988