Chapitre 1
L’îlet de La Nouvelle est situé à 1400 m d’altitude, sur un plateau plus ou moins horizontal d’environ 3 hectares, limité par la Rivière des Galets à l’Ouest, et les pentes du Cimendef à l’Est. Son climat ressemble aux climats des hauts de la côte sous le vent avec un hiver froid et rigoureux.
À La Nouvelle, on recense 18 familles en 1983. Avec les enfants, cela fait un peu plus de 100 personnes. La plus vieille est Madame Marie-Anne-Noëline BÈGUE qui a fêté ses 83 ans à Noël 1982. Les familles vivent sur des lopins de terre attribués par l’ONF, à qui ils payent un droit annuel : 25 € et 78 € de 2019. Les maisons sont modestes, bois sous tôle et cuisine à part. On utilise le bois pour la cuisson des aliments et le pétrole ou la bougie pour s’éclairer.
En cas de cyclone, on se réfugie dans le poste forestier ou dans l’école.
Les femmes s’occupent de la maison, les hommes travaillent leurs terres ou font des quinzaines à l’ONF. On plante surtout du géranium et du maïs, des lentilles, des haricots, et quelques légumes en hiver : choux, chouchoux, brèdes… On élève aussi quelques animaux : poulets, cabris, boeufs… Dans la Plaine des Tamarins, on paye un droit.
Chaque famille est en autosuffisance alimentaire. Si on utilise l’engrais, en revanche on ne connaît pas les pesticides (sulfates…) et les médicaments pour les animaux. Dans ces conditions, la mortalité est grande chez les animaux et la récolte de lentilles a été médiocre en 1982.
Chapitre 2
On produit aussi de l’essence de géranium à raison de 10 à 12 kg par an.
Sur cette récolte, le paysan de l’îlet donne le 1/5ème à l’ONF, et vend le reste à la coopérative de La Nouvelle. En 1982, le cours de l’essence de géranium est de 350 F le kg (109 € de 2019). Pour la distillation, le paysan utilise l’alambic de l’ONF et va chercher du bois dans la forêt alentour. Notons que pour payer ce bois, il travaille une journée par an gratuitement pour l’ONF. Mis à part le boutiquier-restaurateur et le garde forestier équipés de groupes électrogènes, personne ne bénéficie des avantages de la fée électricité à La Nouvelle. Par contre, l’eau arrive par gravité dans presque tous les foyers, et sert même à irriguer les champs. Elle est captée en amont et stockée dans un réservoir sur les hauteurs.
Les gens de La Nouvelle s’approvisionnent à la coopérative pour les denrées. Pour les autres achats, tissus, riz, engrais…, ils doivent aller à Salazie ou St André. Quelquefois, on fait appel à l’hélicoptère de Réunion Air Service qui peut transporter 700 kg de marchandises dans un filet. C’est rentable pour les objets lourds et encombrants : meubles, fer, ciment, pièces de tracteur… Car il y a un tracteur tout neuf à La Nouvelle et 200 litres de gasoil dans un atelier.
Le tracteur, arrivé en pièces détachées et remonté sur place, est utilisé par l’ONF pour ramener le bois de la forêt de cryptomérias située au-dessus de l’îlet par le «chemin charrette». C’est à La Nouvelle que furent faits les premiers reboisements de cryptomérias; on peut encore voir les premiers spécimens, énormes, appelés cryptomérias Goizet, du nom de l’ingénieur forestier qui les fit planter en 1890.
Chapitre 3
Pour les problèmes sanitaires, l’hélicoptère de la gendarmerie est sollicité pour les évacuations. Il sert également à transporter le médecin, le dentiste, le curé… Le médecin et le dentiste viennent deux fois par mois à La Nouvelle. En cas de maladie grave, on appelle l’hélicoptère de la Gendarmerie par téléphone hertzien, même la nuit si les conditions sont bonnes. Quelques jours plus tard, un membre de la famille ira à La Possession retirer une feuille de maladie. Le facteur vient de Grand Ilet une fois par semaine, le mardi. Quant au curé, si on a besoin de lui par exemple pour un décès, on l’appelle aussi par téléphone hertzien. Il existe une belle petite église à La Nouvelle. Construite en 1976 grâce à un chantier de jeunes, la messe y est dite une fois par mois.
L’école a été créée en 1948. Au bout d’une dizaine d’années, elle fut fermée à la suite du mécontentement des habitants car c’était l’un d’eux qui faisait fonction d’instituteur. Elle fut réouverte en 1963 quand un garde forestier marié à une institutrice est venu s’installer à La Nouvelle dans une maison forestière en bardeaux toute neuve, qui servit également d’école. En 1977, un autre bâtiment scolaire a été construit, ainsi qu’un logement pour les instituteurs. Actuellement, il y a une classe de niveau Maternelle/CP de 16 élèves, et une classe de niveau CE/CM. Le niveau est très bas du fait de l’isolement et de l’absence de communications. Peu d’élèves peuvent ou veulent sortir du Cirque, l’entrée au collège nécessitant une vie de pensionnaire à Cilaos ou à La Possession dans un environnement étranger difficilement supportable… Les mariages et les baptèmes sont rares à La Nouvelle. Dans ces conditions de vie très dure, les jeunes partent. En 1983, il ne reste que deux jeunes filles et trois jeunes hommes dans l’îlet. Les autres sont allés chercher du travail dans les Bas…